19-03-2024
 
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AVANT LA NUIT
fiction, 35mm, n/b, 80' - 2004



sélections : Festivals Internationaux de Salonique, Istanbul, La Rochelle, Barcelone



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résumé


1989 : Anne étudie la poésie antique et se perd dans un monde imaginaire. Son ami Pierre, un photographe sans cesse à l'affût de l'image qui exprimerait l'esprit du temps, la néglige. Elle le quitte quand il part pour Berlin, quelques jours après la chute du Mur. Quelque chose va se passer. Et Anne aimerait bien aller en Grèce où...

2003 : Maria, jeune femme grecque, revenue de la guérilla urbaine, est en fuite dans un pays sous l'emprise d'une hystérie anti-terroriste collective. Blessée, elle est recueillie par une jeune guide touristique qui tentera, au risque de sa vie, de l'aider à s'échapper. Elle s'appelle Daphné...

1996 :Quelques année sauparavant, Daphné, rentrée au pays après des années d'études en Allemagne, est confrontée à un choix insupportable: décider de la vie et de la mort de son frère jumeau aux mains de médecins qui l'utilisent comme cobaye dans des expériences scientifiques effrayants.

AVANT LA NUIT raconte l'histoire de trois femmes qui vivent à des endroits et des époques différents mais ont en commun d'opposer un engagement fort (la poésie, la politique et surtout l'amour) à la société. Leurs destins se croisent, parfois de manière surprenante, dans une grande ville moderne, et leurs voix se recoupent dans un rêve final qui unit l'espace et le temps en une vision à la fois poétique et angoissante de notre vie, à l'aube d'un nouveau millénaire.



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La mise en scène tend toujours vers la simplicité, vers l'essentiel, dans ce film, et c'est absolument justifiée. Documentariste dont l'importante expérience lui donne une grande maîtrise cinématographique, Timon Koulmasis tente d'associer l'action politique à la catharsis poétique ce qui suscite une véritable émotion. Que d'autre faut-il à l'art?

Au centre du scénario se trouve la question du terrorisme, non pas comme pratique historique concrète, mais comme une façon de vivre dont la dimension éthique recoupe la dimension existentielle. La peur, et le refus de s'y soumettre, devient alors un acte qui prend une double signification et fera tôt ou tard l'enjeu, parfois mélancolique, de la mémoire.

Trois femmes, trois histoires, trois vies donnent le cadre au film dont l'écriture limpide ne cède jamais à la facilité, à l'étalage de prétendus moyens cinématographiques ou à la tentation du sensationnel. Les trois figures féminines ne représentent pas de principes ou stéréotypes. Les choses qui leur arrivent, pour amères qu'elles soient, justifient, au contraire, leur désir d'une autre vie avant que tout ne soit perdu. Il faut, tant que nous vivons, arriver à nourrir l'espérance. Avant que ne tombe la grande nuit!

Les images noir et blanc tout en gradations et la musique sont extraordinaires. Parmi les trois actrices (Maria Kechaioglou, Maria Protopapa, Anne Leroy), héroïnes du film, c'est la première qui fait la différence. Maria Kechaioglou prouve, dans Avant la Nuit, qu'elle est une des rares grandes interprètes dramatiques de notre pays.

Dimitris Xaritos, ANTI - 18/11/2005
(extraits)

En 1994 vous avez réalisé un film sur Ulrike Meinhof qui a fondé avec Andreas Baader la Fraction Armée Rouge, en 2004 vous présentez Avant la Nuit qui traite des chemins et de l'éthique de la lutte armée, alorsq ue la question du terrorisme grec est encore dans tous les média, peu de temps après le démantèlement du groupe 17. Novembre. Pourquoi en parler déjà, "à chaud"? On pourrait objecter qu'il faut l'Histoire laisser d'abord juger ces choses là.

Je ne juge pas, j'interroge. Comme dans mes documentaires, je ne prétends pas savoir, je cherche à comprendre. Je suis citoyen comme tout le monde, mais en tant que cinéaste j'ai le devoir de ne pas laisser à la télévision l'exclusivité de l'image sur un sujet qui nous concerne tous. Puis si le film parle du terrorisme, il questionne justement la réaction de la société par rapport au phénomène plutôt que de remâcher encore une fois les côtés spectaculaires (attentats, arrestations etc.) qu'on nous a servis jusqu'à la nausée. En cela, je pense que Avant la Nuit est un film plutôt discret, responsable.
Par ailleurs, il situe l'histoire explicitement dans un contexte global. Les deux dates clefs sont la chute du Mur, en 1989, signifiant alors l'espoir de la fin définitive des idéologies totalitaires; et le11/9/2001 qui change totalement la donne dans la mesure où en réponse à une barbarie d'un petit groupe d'islamistes fanatiques un discours liberticide devient partout la pensée dominante, au point d'en arriver à la guerre globale.
J'ai alors imaginé, pour ce film, un personnage sincère, Maria, qui aurait cru à la lutte armée au début, y aurait vu clair suffisamment tôt pour s'en sortir. Elle est, bien sûr, rattrapée par son passé, doit fuir mais reste digne. Et elle est aidée par quelqu'un qui, contrairement à la plupart des gens, ne cède pas à la manipulation de la peur.
Mais ne parlons pas que de cela. Le terrorisme ne concerne qu'une histoire sur trois dans mon film qui traite aussi d'autres problèmes de la société contemporaine, du progrès scientifique, p.ex., qui se tourne, parfois, contre l'Homme qu'il est censé servir. Daphne, le deuxième personnage du film, se trouve ainsi devant un choix épouvantable où le même questionnement moral (est-ce qu'il y a des situations où l'interdit absolu de tuer peut perdre son sens?) prévaut tragiquement sous d'autres auspices.
En cela, et alors qu'on ne voit aucune action brutale, ce film est d'une grande violence. La troisième histoire, celle d'Anne, se situe pour cela en contrepoint. Elle est purement poétique et pose laquestion de l'amour. Elle transcende les deux autres histoires, créant des liens de sens à un autre niveau.


Justement, il y trois caractères féminins dans ce film. Anne est comme un fantôme qui jette son ombre sur ce film. Maria est considérée par la société comme une criminelle mais elle veut vivre (pas seulement survivre), être libre. Daphne vit une vie morne mais porte le secret d'un meurtre. Qu'ont-elles en commun?

Leur solitude dans une société de plus en plus atomisée. Leurs réponses diffèrent mais elles ont en commun de s'yopposer, de vouloir vivre libre, de croire fondamentalement à l'inaliénable dignité de l'homme. Ce qui les conduit à remettre en question les certitudes. La loi n'est pas toujours synonyme de justice. Elles défient donc les conventions, acceptent d'assumer jusqu'au bout des choix difficiles. C'est rare de nos temps.


Il y a comme un "happy end" parce que le personnage qui veut vivre (Maria) échappe à la mort. Daphne la protège-t-elle ou choisit-elle son destin?

Je ne vois, malheureusement, aucune fin heureuse, au moins au niveau de la narration. Daphne ne peut se libérer de son secret qu'en mourant. Elle se sacrifie pour Maria qui, elle, survit, certes, mais sera arrêtée et devra porter la mort de Daphne jusqu'à la fin de sa vie, sans même avoir su pourquoi son amie l'a sauvée. D'une certaine manière, elle qui pendant la lutte armée n'a pas tué, tue maintenant sans le vouloir.
Anne, en guise de conclusion, ne peut alors qu'évoquer les "soleils défoncés par le froid" avant de disparaître elle aussi, de " s'effacer" littéralement de l'image. Elle qui voudrait tant vivre en amour, reste seule.
Pour autant je ne considère pas Avant la Nuit comme un film désespéré. Les personnages se posent les questions essentielles et se battent contre un état de choses sans doute désespérant. Mais ils auront au moins vécu pleinement.
Et je pense, surtout, que tout n'est pas dans l'histoire. Le film cherche la beauté de la première à la dernière image. C'est là que se situe sa véritable résistance. Il n'y a que la poésie à nous sauver. Ça a l'air grandiloquent mais je le pense vraiment.

Anne vit dans une métropole occidentale, à une époque où les vents du changement balayaient nos vies. Daphne évolue plutôt dans un environnement modeste, provincial. Et Maria, en fuite, aujourd'hui, est dans la nature mais les sons et bruits de la civilisation l'entourent quand même.

D'un côté, le film est tourné à Paris, Berlin, Athènes et au bord de la mer. En cela, il respecte aussi une chronologie historique. C'est l'hiver dernier qu'on a tourné en Grèce, donc après les 11/9. Les images s-8 à Berlin, par contre, je les ai tournées vraiment en 1989, peu après la chute du mur. Les soldats russes qu'on y aperçoit, c'est encore l'Armée Rouge à Berlin-Est. D'ailleurs, le grain différent des pellicules noir et blanc accentue volontairement ce passage du temps à l'image.
De l'autre coté, il y a ce chapitre intitulé La Ville exactementau milieu du film, où d'une manière poétique plutôt que narrative les trois histoires convergent dans une grande métropole nocturne qui n'est ni Paris, ni Athènes, ni Berlin. C'est la ville -occidentale- qui nous poursuit, peu importe où nous nous trouvons. Et pour pousser un peu, Daphne en province, et même Maria en pleine mer, se trouvent bien sûr au milieu de la ville qui, au fond, nous détermine.
En cela le traitement du son est primordial dans ce film. Très souvent, il représente un hors champ spatial ou temporel. Quand Maria est torturée par les policiers en civil, pour ne donner qu'un exemple, cela se passe dans un passé, ailleurs, signifié par un hors champ sonore radical. Où dans la taverne, la pluie arrive au son bien avant qu'on la voie à l'image. Puis elle "amène" les voix, la musique. Les on peut ainsi signifier des strates du temps à l'extérieur d'un cadre qui délimite l'espace mais n'est pas fermé pour autant.


Il y aussi des images "constantes" dans votre film. La mer, le soleil, les nuages, la lune. Est-ce que c'est tout ce qu'on peut retenir aujourd'hui?

Bien sûr que non. Ce sont des ponctuations. Parfois un recueillement, une incantation. Un rappel peut-être aussi. Une source. Pour repartir. Pour pouvoir aller plus loin. Pour aller vers l'Autre.


Il semble y avoir une contradiction dans votre récit. Maria qui revient de la guérilla urbaine, réalise de manière très lucide que ses objectifs ne peuvent pas être atteints par la lutte armée. Daphne suit pourtant ses traces, encore qu'elle n'y trouve aucun soulagement. Au contraire, elle en paie le prix, et il semble délibérément.

La contradiction n'est qu'apparente. Daphne ne joint aucun groupe, ne s'engage pas vraiment. Elle aide Maria par solidarité humaine, par amour, et non par conviction politique. Elle ne sait pas qui est Maria quand elle la recueille chez elle. Que l'hystérie antiterroriste qui règne dans le pays et l'appel permanent à la délation lar évulsent profondément, ça oui et encore heureux! Et puis, par cet acte de solidarité dont les suites la dépassent de toute façon, elle se libère des démons de son propre passé. Qu'elle accepte d'en payer le prix, c'est clair. Est-ce la mort finalement la soulage? Je n'ose y répondre. Mais ce qui est important, c'est que grâce à sa fuite en bateau, avec Maria, elle a pu s'échapper de son existence banale et vivre en accord avec ses pensées. Même si c'est pour peu...


En général comment vous vous situez dans le cinéma?

L'écrivain argentin ErnestoSabbato disait que pour qu'une oeuvre soit valable, il fallait être un peu philosophe, un peu poète, un peu terroriste... J'ai honte de le citer parce que je n'ai pas son talent mais cette définition de l'art m'enchante. Elle caractérise mieux que tout ce que je pourrais dire, la démarche qui sous-tend tout mon travail, que ce soit en fiction ou en documentaire.






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avec    
  Maria Kechaioglou, Maria Protopappa, Anne Leroy
    Sophia Michopoulou, Dimitris Xanthopoulos,
Kostas Antalopoulos, Jérôme Keen
     
scénario et réalisation
  Timon Koulmasis
directrices de production  
  Iro Siafliaki, Bonita Papastathi
image
  Boris Breckoff
son
  Stefanos Euthymiou
montage
  Aurique Delannoy
musique
  Laurent Sellier
producteur   Timon Koulmasis
production   AIA FILMS
 
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